(Ottawa) Le cofondateur de la grande mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah, a récemment fait parvenir une lettre à une quinzaine de sénateurs pour les presser d’adopter le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Le texte législatif fait du surplace à la Chambre haute depuis le 18 mai.
« Le projet de loi C-21 est attendu par toute la société canadienne, car il est question de sauver des vies », a-t-il écrit à la demande du cabinet du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, qui tente de faire pression sur le Sénat depuis quelques semaines.
« Pour toutes ces raisons, le projet de loi C-21 mérite d’être appuyé et je demande humblement au Sénat de l’adopter avant qu’il ne se retire pour les vacances d’été. »
Il signe également un communiqué émis par une coalition de vingt groupes, dont PolySeSouvient, qui pressent le Sénat d’accélérer le pas. M. Benabdallah et PolySeSouvient n’avaient pas caché leur déception et leur colère en mai lorsque le gouvernement avait présenté ses nouveaux amendements pour interdire les armes d’assaut dans le but d’obtenir l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.
« Dans toute chose, on veut l’idéal. On n’a pas atteint l’idéal », a-t-il reconnu en entrevue.
La définition d’armes prohibées qui serait incluse dans le Code criminel par l’entremise du projet de loi C-21 est prospective, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera aux nouvelles armes qui entreront sur le marché canadien et non à celles qui sont déjà en circulation. L’ajout d’une liste aurait permis de retirer les armes d’assaut existantes.
Le projet de loi contient toutefois un gel des armes de poing et des dispositions pour protéger les victimes de violence familiale en prohibant la possession d’armes à feu pour les individus sous le coup d’une ordonnance de protection.
Dans sa lettre M. Benabdallah rappelle, entre autres, la tragédie du 29 janvier 2017 à la grande mosquée de Québec qui a fait six morts, cinq blessés graves dont l’un est devenu paraplégique des orphelins et « toute une ville et un pays troublés par le seul fait de possession et d’utilisation d’armes à feu par un individu dont la vie de ses concitoyens importait peu. »
Ses espoirs seront déçus puisque le leader des conservateurs au Sénat, Don Plett, promet « de très vastes consultations publiques à l’automne », ce qui repoussera son adoption. On s’attend à ce que le texte législatif passe l’étape de la deuxième lecture cette semaine avant d’être envoyé en comité juste avant la relâche estivale. Son étude reprendra ensuite en septembre.
« Nous allons nous assurer qu’il y va y avoir des agriculteurs, des chasseurs, des groupes autochtones qui vont nous donner leur avis sur le projet de loi et s’ils peuvent nous suggérer des amendements pour le rendre meilleur, nous allons absolument tenter de le modifier », a-t-il affirmé le sénateur du Manitoba en entrevue.
Il accuse le gouvernement d’être « loin de s’attaquer à la criminalité et de s’en prendre aux propriétaires légitimes d’armes à feu ». Les conservateurs qui s’opposent au projet de loi depuis son introduction avaient voté contre son adoption par la Chambre des communes.
Le ministre Mendicino a récemment accusé le sénateur Plett de retarder les travaux du Sénat sur C-21. « C’est un projet de loi qui a croupi à la Chambre des communes pendant longtemps », a tonné le leader conservateur à la Chambre haute. « Ils ne peuvent pas nous l’envoyer et s’attendre à ce qu’on l’approuve sans discussion. »
Cela fait plus d’un an que ce texte législatif chemine. Le projet de loi C-21 a fait l’objet d’une vive controverse l’automne dernier lorsque le gouvernement avait déposé deux amendements une fois que les consultations publiques étaient terminées en comité parlementaire pour y ajoute une interdiction des armes d’assaut. Ils contenaient une longue liste d’armes d’assaut interdites, dont le SKS utilisé par les chasseurs, ce qui avait soulevé un tollé.
Le ministre Mendicino avait reculé avant de revenir avec de nouveaux amendements qui faisaient l’objet d’un plus vaste consensus.
Source : Lapresse