PolySeSouvient se sent trahi par les libéraux et les néo-démocrates

« Je suis extrêmement en colère, extrêmement déçue et je me sens trahie. Trahie encore une fois parce que ce n’est pas la première fois qu’on dit à M. Trudeau et à son équipe que ce n’est pas ça qu’ils ont promis », a réagi Nathalie Provost, de PolySeSouvient, qui a été blessée lors de la tuerie de masse à l’École polytechnique en 1989.

Le recul est « important, complet » pour celle qui milite afin d’interdire les armes d’assaut depuis 33 ans dans le but d’éviter une autre tuerie de masse comme celle de Polytechnique, où 14 femmes avaient perdu la vie.

Elle se sent trahie à la fois par le premier ministre Justin Trudeau et par le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, qui avait clarifié la semaine dernière être pour une interdiction des armes d’assaut.

Je ne veux pas être oiseau de malheur, mais c’est comme s’ils appelaient une grande tuerie au Canada juste pour prouver que ça n’a rien donné, leur fameuse loi. Imaginez une tuerie avec une SKS dans un mois, dans un an, même. C’est incroyable, mais c’est possible.

Nathalie Provost, de PolySeSouvient et survivante de la tuerie de Polytechnique

« Je suis dépité, je suis triste », a réagi à son tour le cofondateur de la grande mosquée de Québec Boufeldja Benabdallah, où six fidèles ont été tués en 2017. Il a déploré le fait que les groupes qui militent pour l’interdiction des armes d’assaut se soient retrouvés « au milieu » de tractations politiques.

Capacité des chargeurs

Les nouveaux amendements proposés lundi par les libéraux ont fait l’objet de longues négociations entre le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois.

« C’est la meilleure voie à suivre dans ce Parlement afin que nous puissions faire avancer le projet de loi C-21 et présenter la législation la plus importante sur le contrôle des armes à feu et la réduction de la violence armée depuis une génération », a affirmé le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Il a dévoilé lundi la nouvelle définition d’armes prohibées qu’il compte inclure dans le Code criminel par l’entremise du projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Elle englobera les armes « qui ne sont pas des armes de poing » et qui à la fois sont semi-automatiques, « tirent des munitions à percussion centrale » et ont été « originalement conçues avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus ».

Or, c’est cette dernière phrase qui pose problème pour PolySeSouvient. Le groupe y voit une échappatoire pour les fabricants d’armes à feu, qui pourraient contourner la loi en mettant en marché des armes avec un chargeur de plus petite capacité, qui pourrait par la suite être changé pour un chargeur de capacité plus grande.

La définition demeure prospective, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera aux nouvelles armes qui entreront sur le marché canadien et non à celles qui sont déjà en circulation. Environ 2000 armes d’assaut sont déjà interdites en vertu d’un décret adopté en 2020. PolySeSouvient voulait ajouter 482 modèles, qui étaient inclus dans les amendements précédents retirés par le gouvernement en février. Une définition d’armes prohibées et une liste auraient permis de retirer les armes d’assaut existantes et d’empêcher qu’elles soient mises en marché.

« On peut avoir une liste des armes à feu, mais si ça peut être contourné si facilement […], ça n’aide pas à faire en sorte que les gens soient protégés », a réagi le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Peter Julian.

Définitions et amendements

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, avait annoncé mardi dernier qu’il comptait déposer une nouvelle définition des armes d’assaut tenant compte d’une des recommandations de la Commission sur la tuerie de Portapique, en Nouvelle-Écosse.

Il avait également indiqué que son gouvernement abandonnait la longue liste d’armes d’assaut interdites incluse dans les amendements précédents qui avaient engendré une levée de boucliers. Les libéraux avaient causé la surprise en février en les retirant.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Une SKS, arme de style militaire

La SKS, une arme de style militaire fréquemment utilisée par les chasseurs et par les Autochtones, demeurerait donc légale. Cette arme à feu a été utilisée à de nombreuses reprises au cours des dernières années pour tuer des policiers.

Le gouvernement compte rétablir le Comité consultatif canadien sur les armes à feu pour revoir la classification des armes à feu pour tenter de régler cette question. Le ministre Mendicino a promis un nouveau décret comme celui de 2020 pour la modifier.

Les nouveaux amendements incluent également des dispositions pour s’attaquer aux armes fantômes, une clause pour affirmer que le projet de loi C-21 reconnaît les droits constitutionnels des Autochtones, une révision parlementaire de la définition d’armes prohibées cinq ans après son entrée en vigueur, l’interdiction par règlement des chargeurs de plus de cinq cartouches et l’obligation pour chaque arme d’avoir un numéro de référence avant sa mise en marché.

Source : Lapresse

AEP